Je me suis récemment fait un ami que j’espère garder toute ma vie. Yves Lavoie est un photographe basé à St-Anaclet-de-Lessard, dans le coin de Rimouski. Dans son studio, En Cavale, on peut faire faire son portrait au collodion humide, ou tintype, une technique popularisée au milieu du 19e siècle. Je l’ai rencontré parce qu’il avait invité mon mari à se faire prendre en photo. Je ne savais pas que j’étais moi aussi invitée! J’ai reçu mon portrait et me suis jurée qu’on allait reprendre l’occasion, mais en costume d’époque.
Le portrait au collodion humide : une expérience en archéologie expérimentale!
En tant qu’artisanEs, Yves et moi avons beaucoup de points en commun. C’est peut-être pour ça qu’on s’entend aussi bien! En tant qu’artisane textile du historybounding, je m’intéresse aux gestes du passé, et aux réalités que vivaient celles et ceux qui sont venuEs avant nous. La pratique de Yves touche aussi aux expériences d’autrefois me fait penser à l’archéologie expérimentale. L’archéologie expérimentale, c’est quand des scientifiques, à partir de trouvailles archéologiques, posent une hypothèse sur les gestes, les objets du passé et leur utilisations. Iels tentent de les reproduire afin de vérifier leur hypothèse. On a façonné le silex comme nos ancêtres du mésolithique. D’autres ont construit un château expérimental entier pour reproduire et étudier le mode de vie d’une société du Moyen-Âge. Ces scientifiques imitent le plus fidèlement possible les outils et techniques de l’époque. À plus petite échelle, c’est un peu ce que Yves et moi faisons, avec une vocation plus artistique que scientifique.
Yves et moi on s’est donnéEs rendez-vous dans un champ, pas loin de sa maison, pour faire quelques prises à l’extérieur. On a commencé par observer les environs à la recherche de lignes de fuite intéressantes et à réfléchir à la composition de l’image, pour choisir à peu près où est-ce qu’on allait mettre l’appareil, et où moi-même je devrais me placer. Pendant qu’il s’installait et paramétrait son appareil, j’en ai profité pour mettre ma robe par-dessus ma chemise et mon jupon. J’ai offert au photographe le choix de travailler avec ou sans le tablier, et il a choisi de ne pas l’utiliser, pour pouvoir mieux travailler avec les détails de la robe.
En photographie au collodion humide, la lenteur est de mise
Est enfin arrivé le moment de poser pour la première photo. C’est pas pour rien qu’on appelle ça de la slow photography! J’ai regretté d’avoir oublié mon chapeau de paille à la maison, car il faisait vraiment soleil, et ça m’a fait froncer des yeux, ce qui a fait en sorte que la plupart de nos poses à l’extérieur avaient le visage flou ou les yeux fermés…
Il faisait vraiment chaud en plein milieu du champ et on a vite commencé à se fatiguer, mais on a décidé de travailler fort pour une deuxième et une troisième prise à l’extérieur, pour essayer d’obtenir une aussi bonne prise, mais avec les yeux ouverts. On n’a malheureusement pas réussi, ce qui n’est pas la fin du monde, vu que les portraits extérieurs d’antan avaient bien souvent l’air de ça.
Après trois poses dont une de réussie, on avait fait vraiment tout ce qu’on pouvait dehors pis on était vraiment épuiséEs. On a tout remballé le matériel et on a ramené tout ça chez lui, à son atelier, et on a décidé de fournir un dernier effort pour réaliser un quatrième portrait, cette fois-ci, à l’intérieur, dans son studio, où les conditions sont beaucoup plus contrôlées et où il est possible de faire des poses beaucoup plus courtes.
Il y a beaucoup de parallèles à tracer entre sa pratique artistique et la mienne. Dans les deux cas, on s’intéresse aux gestes du passé, et dans les deux cas, on s’approprie la lenteur comme expérience. On parle de « slow photography » comme on parle de « slow fashion ». C’est un processus lent, réfléchi, intentionnel, et patient. C’est un peu ce qui l’a amené, au début du panini, à s’investir dans ce curieux art auquel il s’intéressait depuis longtemps. Comme beaucoup d’entre nous, le panini l’a forcé à restructurer sa vie, et à se poser de grosses questions. Aujourd’hui, dit-il, la photographie au collodion humide est devenue son « self-care ».
Quel avenir pour un artisan en photographie antique?
Quand il a la chance d’avoir quelqu’un en studio avec lui, ça lui permet de socialiser, mais sinon, il part dans les champs et dans le village à la recherche de fleurs, et s’immerge dans son processus artistique comme une méditation. Cela lui permet, selon lui, de mettre son cerveau à « off » et de juste… créer de la beauté.
Qu’est-ce que l’avenir va réserver à Yves Lavoie, lui qui, comme moi, centre sa pratique sur l’exploration du passé? La prochaine étape dans sa démarche, c’est de pouvoir y consacrer plus de temps, et promouvoir son studio, En Cavale, pour qu’il devienne un arrêt sur la route touristique, et, pourquoi pas, un lieu de médiation culturelle. Personnellement, je pense que dans quelques années, on va voir son adresse dans les guides touristiques de la région. Il croit être capable de monnayer sa pratique. Même si c’est tellement facile de prendre un selfie avec son téléphone, il croit être capable d’intéresser les gens à payer pour une photo en redonnant de la valeur au geste par le fait qu’on doit prendre notre temps pour en faire une expérience, à la fin de laquelle on a un objet-souvenir sur lequel on peut se regarder, et revivre l’expérience.
Portrait au collodion humide : une expérience unique!
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